Bonjour et bienvenue dans ce dix-septième article du "Journal d’une agoraphobe" !
Je suis ravie de vous retrouver, ou de vous accueillir si vous découvrez le blog pour la première fois. Ici, je partage mon expérience d’ancienne agoraphobe. Je ne prétends pas du tout soigner, ce n’est ni ma formation, ni mon métier. Mais si mon humble expérience apporte d’une part quelques pistes pour un certain nombre d’entre vous et qu’elle contribue à une certaine libération de la parole sur un sujet qui stigmatise bien trop de personnes… eh bien, mission accomplie !
La semaine dernière, nous en étions restés à une phrase dite par ma psy à la toute fin d’une séance. Cette phrase est : « malgré toutes les souffrances qu’engendre une phobie, le phobique tire toujours bénéfice de sa phobie… »
Bam ! Vous voyez le genre de phrase qui reste bloquée dans la tête ?
Pourquoi je vous raconte ça ?
Parce que ça a déclenché deux choses chez moi, en deux mots : culpabilité et colère… ce qui va avoir une incidence sur ma thérapie !
J’ai dans un premier temps pris cette phrase au pied de la lettre parce qu’il y avait de quoi. En effet, avant cette agoraphobie, cela faisait quelques années que j’élevais seule ma fille, que je m’occupais de tout… éducation, maison, travaux, finances… sans aucune aide. Avec cette histoire d’attaque de panique, je n’étais plus seule, dans la mesure où famille et amis se mobilisaient pour me filer un coup de main afin d’assumer des tâches du quotidien que je n’assumais plus… genre les courses…
Donc, de manière évidente, je tirais des bénéfices de cette situation !
Je me sentais déjà coupable, mais avec ce constat, ma culpabilité a nettement augmenté… depuis le début de mon agoraphobie, je suis un poids pour mon entourage… il y a l’entourage qui m’aide à gérer mes déplacements… des personnes que je monopolise parce qu’il est par exemple hors de question pour moi de me retrouver seule dans un supermarché… et pourtant… il faut bien faire les courses… il y a donc ceux que je monopolise… mais encore pire, il y a ceux qui subissent ! Et dans ceux qui subissent, il y a bien évidemment ma fille ! Mettez-vous à sa place… elle a treize ans quand ça a commencé… Déjà, cela fait un petit moment que je ne la conduis plus nulle part, dans la mesure où ça fait un bon moment que j’ai arrêté de conduire… mais maintenant que je suis plus ou moins agoraphobe, je ne peux plus me rendre aux réunions parents / professeurs de son collège, je ne peux plus l’emmener au cinéma, faire les boutiques en ville, aller déjeuner en ville… puis je ne peux plus faire de petites courses… s’il manque juste deux œufs pour faire un gâteau… eh bien, je suis incapable d’aller les chercher… une chose aussi simple m’est impossible… Imaginez que vous avez treize ans, comment le vivriez-vous si votre mère était comme ça ?
J’avais déjà un sacré sentiment de culpabilité et cette phrase de ma psy l’a exacerbé de manière exponentielle ! Mais pas que… parce qu’en plus de cette culpabilité, sa phrase a également généré chez moi de la colère !
Et oui, en même temps que la culpabilité, BIM, la colère ! De la colère envers ma psy…
Non mais, ma psy lâche une bombe pareille en fin de séance et bye-bye ? Sérieusement ? Ça m’a tellement perturbée que j’ai commencé à espacer les séances. J’avais moins confiance en elle, et quand on ne fait plus confiance à son thérapeute… c’est totalement contre-productif.
Ce que je trouve dommage, avec du recul, c’est que je ne lui ai jamais parlé de cet incident qui était pour moi à l’époque une faute professionnelle. Je me demande si elle s’est rendue compte de quelque chose… en tout cas, si elle s’en est rendue compte, elle n’a mené aucune action pour remettre l’église au centre du village !
Du coup, mes séances ne servaient plus à grand-chose car, ne lui faisant plus confiance, je bridais ma parole et donc je ne lui ai quasiment jamais parlé de cette culpabilité inhérente aux bénéfices secondaires que j’estimais retirer de cette agoraphobie aux dépens de ma fille… n’en parlant pas, les choses stagnaient !
La leçon de cette histoire est que quand l’alliance thérapeutique ne fonctionne plus… la thérapie ne fonctionne plus ! Quand on commence à avoir certaines réticences vis-à-vis de son psychologue, que faire ?
Dans mon cas, j’ai fait avec durant plusieurs mois… ceci dit, je n’étais pas totalement consciente de ce qu’il était en train de se passer… j’ai rapidement compris que j’avais moins confiance en elle qu’avant, mais j’ai mis beaucoup plus de temps à comprendre les conséquences de ce manque de confiance… j’ai mis du temps à comprendre que je ne lui parlais plus aussi librement qu’avant et que, du coup, ma thérapie n’avançait plus.
Ce n’est donc pas dans le cabinet de ma psy que les choses se sont décantées. C’est une copine qui m’a ouvert les yeux en me disant un truc du genre, je cite : « cette agoraphobie, c’est peut-être une manière pour toi de transformer des souffrances non exprimées en angoisses visibles. Tu as accumulé du stress, des émotions que tu gardes pour toi depuis des années – le stress d’élever ta fille seule, de traverser une séparation, de tout gérer. Peut-être que ces attaques de panique sont pour toi une façon de demander de l’aide. »
Et oui, j’ai des copines super intelligentes ! Des années plus tard, cette phrase est encore ancrée dans ma mémoire !
Et elle avait totalement raison ! C’était compliqué pour moi d’élever ma fille seule mais je n’en parlais pas… c’était compliqué pour moi de devoir faire le deuil de la fin d’une famille suite à la séparation d’avec le père de ma fille… mais je n’en parlais pas… il y avait comme cela un certain nombre de choses que je mettais sous le tapis depuis plusieurs années. Je gardais toutes ces choses en moi en évitant d’y penser… d’en parler… mais finalement j’avais régulièrement un petit pincement au cœur… et au lieu d’essayer d’en comprendre la source, je passais à autre chose, j’allais fumer une cigarette… du coup, au bout d’un certain temps, il est probable que l’angoisse soit devenue plus facile à supporter que la souffrance… la souffrance est muette et invisible alors que les attaques de panique, c’est plutôt le contraire et en plus elles me permettent d’obtenir de l’aide de mes proches.
Mais cette transformation de souffrance en angoisse a été longue et progressive, elle s’est construite lentement et le temps pris a été nécessaire pour s’immiscer dans la majorité des sillons de mon cerveau et c’est devenu ancré en moi… de l’autodiscipline, de la volonté, connaître la liste exacte des bénéfices tirés de mon agoraphobie ne seront pas suffisants à décaper de chaque sillon cette anxiété, ces schémas négatifs ancrés en moi.
Conclusion :
Et oui, certaines phobies permettent de recevoir une attention particulière… il arrive que l’entourage devienne plus protecteur, plus présent, lorsqu’une personne est handicapée par des attaques de panique. On se sent plus entouré, on bénéficie d’un soutien au quotidien que l’on n’a pas sans cet handicap… Mais ce n’est pas intentionnel.
Cette dynamique peut parfois donner l’impression qu’il y a un bénéfice à ne pas trop s’opposer à la phobie, car cela peut préserver cette relation de proximité, cette attention. `
Mais ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ces "bénéfices" sont souvent inconscients et ne signifient pas que la personne souhaite vraiment conserver sa phobie. Au fond, personne ne choisit de vivre avec une phobie. C’est surtout que les comportements liés à la phobie répondent à un besoin immédiat d’apaisement. Ce qui rend parfois difficile de rompre le cercle vicieux, c’est cette sensation de sécurité ou d’attention qui peut venir en contre partie.
J’aurais aimé que ma psy m’explique les choses comme cela et non via une phrase assassine en fin de séance. D’autant plus que cette phrase assassine a rompu l’alliance thérapeutique qui existait entre elle et moi, ce qui est un vrai frein à une thérapie !
Voilà mon message pour cette semaine. L’intention avec une phobie n’est pas d’attirer l’attention, c’est juste un appel au secours !
Et messieurs dames les psychologues, si vous pensez avoir un message important à faire passer… faites attention… faire réfléchir son patient c’est bien, le déstabiliser complètement, c’est bien souvent, je pense, contre-productif !
Voilà pour aujourd’hui ! Et si vous avez aimé cet article, ou que vous aimez le blog en général, n’hésitez pas à le noter, à laisser un petit commentaire, ou à vous abonner à la newsletter pour ne pas manquer la suite.
Merci infiniment d’être là, et à très vite !
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