Bonjour je suis ravie de vous retrouver pour ce deuxième article du « Journal d’une agoraphobe ».
Un blog et un podcast pour vous anxieux, accompagnants d’anxieux et mesdames messieurs les psychologues ou psychologues en devenir. Je témoigne pour vous de mon expérience d’ancienne agoraphobe. En témoignant, j’espère vous faire bénéficier de l’expérience de quelqu’un qui a essuyé un certain nombre de plâtres… genre les relations avec le corps médical, avec le corps paramédical... Je ne prétends pas du tout soigner… ce n’est ni ma formation ni mon métier… j’espère juste que mon humble expérience apporte d’une part quelques pistes pour un certain nombre d’entre vous et qu’elle contribue à une certaine libération de la parole sur un sujet qui stigmatise bien trop de personnes.
Lors du premier article, je vous ai présenté ce blog et ce podcast : le sujet, l’objectif, comment tout cela a été créé et à qui tout cela s’adresse (présentation du « journal d’une agoraphobe »).
Cet article, va aborder de ma première grosse attaque de panique, celle qui m’a enfin fait prendre conscience qu’il y avait un problème…
Un début d’après-midi un dimanche d’août ensoleillé. Tout va bien… en apparence… Je suis contente, c’est le WE, il fait beau et je m’apprête à passer l’après-midi en ville avec un ami d’enfance que je n’ai pas vu depuis longtemps… Je me prépare en musique, et en dansant, c’est dans la joie et la bonne humeur que je rejoins l’arrêt de bus… Mais, plus je m’approche de l’arrêt de bus, plus je sens un malaise indescriptible monter en moi… J’arrive à l’arrêt de bus… quelque chose mais je ne sais pas quoi m’empêche de monter dans ce bus… Je fais donc demi tour et je rentre chez moi, j’appelle l’ami que je devais voir, et on décide finalement qu’il vienne à la maison au lieu de passer l’après-midi en ville… Comme si tout était normal… je ne me pose aucune question sur le fait que j’ai quand même été dans l’incapacité de prendre un bus. Durant l’après-midi, je n’en parle même pas d’ailleurs…
Ce dimanche, c’est le bus que je ne prends pas…mais avant ce bus, il y a eu l’anniversaire de Sandrine auquel je n’ai pas assisté… cette fois c’est le retour en voiture de nuit m’inquiétait… cet anniversaire était prévu depuis au moins un mois… pendant un mois ce retour en voiture m’obsédait un peu… je suis certaine que les anxieux comprennent très bien… cette manière que nous avons de ruminer en boucle quelque chose… Le jour J l’idée de ce retour a commencé à me rendre vraiment anxieuse… à tel point qu’au dernier moment j’ai trouvé un prétexte bidon pour ne pas y aller…
Et puis il y a la fois où je devais aller faire les courses … L’éventualité qu’il puisse pleuvoir a commencé à me trotter dans la tête… Conduire sous la pluie c’est dangereux… conduire sous la pluie c’est dangereux… ça tournait en boucle dans ma tête alors que ça fait des années que je conduis sous la pluie… ça fait également des décennies que tout le monde conduit sous la pluie… raison pour laquelle les essuies glace existent… mais bon, ce jour là, gros point de résistance sur le fait de conduire sous la pluie, sans suspens, j’ai opté pour la stratégie d’évitement et je ne suis pas allée faire les courses… j’ai finalement décidé que conduire sous la pluie n’était pas très raisonnable…
Force est de constater que le problème était sous mon nez depuis un certain temps… mais je n’avais pas en ma possession la connaissance ni les outils pour en prendre conscience et comprendre ce qui était en train de se passer… ce qui était en train de m’arriver progressivement.
Au passage, c’est la raison pour laquelle j’ai créé ce podcast… s’il peut permettre ne serait-ce qu’à une personne de prendre conscience d’un problème avant que ce dernier ne prenne des proportions énormes… parce que c’est le noeud du chmilblik… on met en place une stratégie d’évitement, puis une autre… sans s’en rendre compte… et puis un dimanche d’août on prend conscience qu’on a construit sans s’en apercevoir une prison avec des barreaux énormes !!!!
Sans vouloir être vulgaire, vous savez ce qu’on dit… l’autruche elle a la tête dans le sable mais les fesses à l’air…
Revenons à ce fameux dimanche d’août…
Et oui… Début de soirée de ce même dimanche... J’ai passé une bonne journée, mon ami que je n’avais pas vu depuis longtemps rentre chez lui et je décide, en pleine forme… de faire ma bonne action de la semaine. Je rassemble donc mes emballages en plastique et carton et c’est parti pour le tri sélectif ! Statistiquement, heureuse et en pleine forme … 20 secondes avant cette attaque de panique… les chances qu’elle se produise étaient de zéro… Et pourtant, un énorme sac dans chaque main, je m’approche de mon portail…et là … Et là … je ne comprends pas ce qui se passe, je comprends juste que le franchissement de ce portail qui était jusqu’à présent une simple formalité aujourd’hui n’en est pas une...
Devant ce mètre carré en fer forgé, mes deux sacs poubelle dans les mains, je suis tétanisée, une seule chose me traverse l’esprit et tourne en boucle dans ma tête : je ne peux pas... je ne peux pas...
Mon corps entier est en mode OFF, mon cerveau aussi, je ne bouge pas fixant ce portail qui constitue pour moi une limite infranchissable... je ne sais pas combien de temps ça a duré... Une sorte de clivage s’est opéré en moi. Est-ce moi ? Est-ce une personne qui observe la scène ? Parce qu’en fait c’est ça… j’ai l’impression que ce n‘est pas moi… ou que c’est moi en train d’observer cette scène… Jusqu’à ce qu’une crise de larmes me ramène à la réalité et que d’un coup d’un seul je me rends compte que je suis envahie par des sensations qui m’étaient inconnues jusqu’à lors.
Incapable de surmonter cet état, je recule, mes sacs poubelle toujours fermement serrés et me précipite vers la sécurité de mon appartement.
Je ne comprends vraiment pas ce qui est en train de m’arriver. De manière totalement incontrôlable mes larmes n’arrêtent pas de couler. Je n’ai aucune véritable raison de pleurer mais je pleure… je tremble et je suffoque…
C’est le début d’un long parcours auquel je n’étais pas préparée... Pendant les cinq ans qui ont suivi cette crise, la simple idée de sortir de chez moi non accompagnée m’oppressait. Mes seuls horizons se limitaient à mon domicile et mon lieu de travail. Et le psychologue… j’ai failli oublier le psychologue…
Je n’ai jamais été traumatisée par le fait d’éviter d’aller à un anniversaire ou d’aller faire des courses… Par contre cette épisode avec mon recyclage de cartons et de plastiques m’a bien traumatisé… Pourquoi ? Parce que c’était violent… violent physiquement et mentalement, assez violent et traumatisant pour que je décide d’avoir peur de revivre cela. Le seul moyen de ne pas revivre cela est d’éviter de sortir de chez moi… Vous voyez où est le problème ?
Si j’avais fait attention aux signes avant-coureurs certainement que rien de tout cela ne se serait passé… Mais au lieu de ça, je n’ai rien vu venir… De toutes les façons, comment voir venir un truc pareil si on n’est pas au courant que ça existe ?
Voilà pourquoi je souhaite témoigner… aujourd’hui vous me direz que c’est des sujets sur lesquels il y a un peu moins de tabous, grâce ou à cause par exemple du burn-out… et oui l’augmentation du nombre reconnu de cas de burn-out fait que le sujet de la santé mentale est davantage au centre de certains débats… dans la sphère privée mais également en entreprise… ce qui est une bonne chose. Ceci dit une personne qui fait une attaque de panique sur son lieu de travail est susceptible d’être facilement et rapidement stigmatisée. Ça c’est déjà un peu moins une bonne chose.
Et pourtant cela peut arriver à n’importe qui. Alors parlons-en !
Vous êtes anxieux… vous évitez des gestes aussi simples que de prendre un bus, d’aller à un anniversaire en objectant des craintes que vous n’aviez pas jusque là ? N’attendez pas le point de non retour. Contactez un spécialiste de manière à avoir un avis médical et scientifique. Vous pouvez également en parler autour de vous à des personnes en qui vous avez confiance. Vous risquez d’être surpris par le nombre de personnes qui ont été au moins une fois dans leur vie prise d’une attaque de panique… ne restez en tout cas surtout pas isolé !
Vous avez un ami, un collègue de travail qui n’est pas venu depuis un certain temps à vos soirées entre amis ou à vos repas entre collègues de travail… Demandez simplement à cette personne comment elle va. Il ne s’agit en aucun cas de dramatiser la situation et prendre pour agoraphobie ce qui n’en est pas… c’est à dire un collègue qui n’a simplement pas envie de sortir ce soir… mais si les choses durent et sont répétitives sans qu’il y ait une jolie blonde ou un beau brun qui se cache la dessous… essayez d’en parler sans vous montrer intrusif. Cela peut être extrêmement utile.
Messieurs dames les psychologues, une personne qui présente les symptômes de l’agoraphobie passe la porte de votre cabinet… Comment abordez vous le sujet ?
Je vous relate ici mon expérience…
Lors de ma première séance et toutes celles qui ont suivi d’ailleurs, ma psychologue a beaucoup discuté avec moi, mais bizarrement, elle a très peu mis de mots MOTS sur mes maux MAUX pour reprendre une phrase célèbre… Ou plutôt elle a commencé par mettre des mots qu’elle pensait que j’étais en mesure de comprendre, d’encaisser et qui étaient susceptibles de me rassurer… comme le mot burn-out qui était déjà à l’époque un concept relativement connu… je l’ai également entendu à plusieurs reprises parler de troubles anxieux généralisés… Elle a fait son travail avec moi… elle m’a écouté avec bienveillance, elle m’a donné des outils dont je me sers encore aujourd’hui pour gérer l’anxiété lorsqu’elle se présente… Mais je n’ai jamais eu droit à une explication franche. Peut-être qu’elle n’a jamais utilisé le mot d’agoraphobie devant moi par crainte de me faire paniquer… c’est vrai que j’avais une tendance à paniquer assez facilement à l’époque… en plus pour être tout à fait honnête, il y a dix ans, je ne connaissais même pas l’existence de ce mot…
Tout au long de nos séances, elle m’a proposé des outils et des exercices qui font partie des thérapies comportementales et cognitives… le mot de TCC n’a jamais été prononcé dans son cabinet… Avec du recul et sans vouloir faire de lucidité à postériori… je pense que si elle m’avait tout simplement expliqué cette maladie… si elle m’avait dit voilà nous allons utiliser telle méthode dans le but de vous soigner… vous allez certainement passer par cette étape, puis cette étape … et encore celle-là… dans l’ordre et dans le désordre… et bien cela aurait été beaucoup plus simple et rassurant pour moi.
Prenons un exemple. Si un patient se casse une jambe, le médecin va lui expliquer qu’une opération est nécessaire, en quoi consiste cette opération, qu’après l’opération le patient va devoir porter un plâtre à la suite duquel il va devoir effectuer des séances de rééducation.
Et bien d’après mon expérience, pour un ou une agoraphobe c’est pareil. Ça m’aurait rassuré de pouvoir mettre un mot sur la maladie et les symptômes dont je souffrais. Ça m’aurait rassuré de connaître les étapes par lesquelles j’allais passer. Si je suis en mesure de mettre un nom ou un adjectif sur ce dont je souffre, ça veut dire que d’autres en souffrent aussi… non ?
J’apprenais un certain nombre d’exercices à chaque séances… bien évidement ces exercices m’aidaient… mais je pense que je me serais sentie d’avantage rassurée si j’avais su que ces exercices faisaient partie d’une méthode thérapeutique validée scientifiquement : les thérapies cognitives et comportementales.
Effectivement, si elle avait mis des mots sur ma maladie et sur le protocole de soins que j’étais en train de suivre c’est un peu comme si elle me donnait une feuille de route, route qui mène à la guérison… j’aurais peut-être pris ça comme une promesse de guérison, promesse qu’elle n’était pas en mesure de me garantir… soit… A mon avis c’est pour ça que les mots n’ont pas été prononcés… et puis si elle avait dit le mot agoraphobie, j’aurais été sur internet, j’aurais fait des milliers de recherches qui auraient peut-être parasité son travail… il n’empêche que j’aurais aimé savoir. D’une part je me serais sentie rassurée de savoir que j‘étais en train de suivre un protocole et d’autre part, savoir aurait également levé ma culpabilité, culpabilité de l’état dans lequel je me trouvais… n’ayant à mon sens aucune raison d’être dans cet état de léthargie, je m’en voulait de ce comportement de repli qui avait des conséquences sur tous les membres de ma famille.
Conclusion : Une attaque de panique avec perte de moyens est souvent précédée par un certain nombre de signes avant-coureurs. Si on informe les gens de l’existence de ces différents signes cela pourrait avoir un effet préventif… et oui c’est uniquement au courant d’un problème que nous sommes en mesure de l’affronter. Alors parlons, expliquons et destigmatisons ces phénomènes mentaux afin de donner aux patients et à leur entourage de quoi se défendre et contre attaquer !
Ce blog et ce podcast sont une manière pour moi de parler, d’expliquer et de destigmatiser, si vous pensez que cela peut aider les patients et / ou leur entourage, partagez, notez et commentez cet article.
Dans le prochain article, je vous raconterai, suite à cette première attaque de panique, ma visite à la permanence médicale d’urgence… S’il vous plait, ne vous moquez pas… mais n’ayant absolument rien compris à ce qui venait de m’arriver… je suis partie aux urgences… persuadée que j’étais en train de faire un AVC ou une crise cardiaque…
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